Amitiés, identités et acceptation de soi
Quand on est jeune, elles sont souvent fondées sur des similitudes plus superficielles, comme le fait d’adorer le même groupe de musique. Mais en vieillissant... notre désir de vivre des relations platoniques sincères s’approfondit. Les amitiés deviennent plus complexes et présentent plusieurs dimensions, même si on n’en a pas toujours conscience. C’est, à mon avis, la raison pour laquelle certaines personnes s’éloignent naturellement au fil du temps.
Je n’avais pas vraiment de clique à l’école secondaire. J’avais des amis au primaire et à l’école intermédiaire, mais ceux-ci étaient répartis dans différents groupes. En théorie, ça peut sembler plutôt chouette. En pratique, ça compliquait inutilement les choses. Par exemple, je ne pouvais pas inviter plusieurs amis chez moi en même temps, car ils ne s’entendaient pas tous. Et on ne peut forcer les gens à devenir amis; ce n’est pas comme ça que ça marche.
L’école secondaire m’offrait donc la possibilité d’un nouveau départ tout à fait bienvenu. Ma famille et moi venions de déménager à l’autre bout du pays et je ne connaissais aucun autre jeune de mon âge. Bien des gens trouveraient une telle situation effrayante, mais pour moi, c’était exaltant. J’avais l’occasion de me réinventer. De me défaire de ma réputation de la « fille-qui-a-failli-mourir-quelques-fois-au-primaire ».
Sans avoir essayé de m’introduire dans un groupe en particulier, je me suis tout de suite bien entendue avec les jeunes queers. Et ça n’a rien à avoir avec le cliché du « meilleur ami gai ». Non; on était engagés sur la voie de la découverte et de l’acceptation de soi. De bien des façons et à divers degrés, d’accord. Mais on se dirigeait tous à peu près dans la même direction. Et on était marginalisés dans une ville qui, majoritairement, ne l’était pas.
Mon handicap a toujours été visible, gracieuseté de l’AS. Les gens allaient en tirer leurs propres conclusions, quoique je dise et quoique je fasse. Par conséquent, l’idée de la découverte de soi – selon mes propres conditions, à l’abri des pressions sociales – m’intriguait aussi.
On ne choisit ni n’être handicapé, ni d’être queer; en revanche, on peut choisir, dans une certaine mesure, où nous conduira notre parcours.
Notre aventure collective nous menait souvent chez moi. Littéralement. On y avait établi notre quartier général, si j’ose dire. C’était un espace où mes amis et moi pouvions toujours non seulement nous retrouver, mais aussi être nous-mêmes. Sans nous excuser.
À cette époque de nos vies, c’était exactement ce dont on avait besoin. Je me remémore ces années avec une reconnaissance renouvelée, quand je pense qu’elles ont formé les personnes qu’on est devenues aujourd’hui. Et je sais qu’on peut toujours se donner des nouvelles, plus de dix ans plus tard, sans que ce soit étrange, forcé ou embarrassant. Si ce n’est pas ce qu’on appelle l’amitié, je vois mal ce que c’est alors.