Couple formé d’une personne autonome et d’une personne handicapée assises ensemble
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Jared

Couples formés d’une personne handicapée et d’une personne autonome, et autosoins pour les aidants

Il y a cinq ans, j’ai balayé l’écran vers la droite sur Tinder pour la dernière fois. Dès que j’ai commencé à parler à Sydney, j’ai su qu’elle était différente. Elle était spéciale. Jamais je ne m’étais aussi bien entendu avec quelqu’un que je n’avais jamais rencontré, et nous passions des heures à parler de notre musique préférée, de nos loisirs et de bien d’autres choses. Jamais je n’aurais imaginé que cinq ans plus tard nous vivrions dans une maison que nous avons achetée ensemble, que nous accueillerions un beau petit bébé et que nous serions mariés!

Lorsque j’ai commencé à parler à Sydney, j’ai pris la décision d’être le plus franc et honnête possible au sujet de la maladie rare dont je suis atteint, l’amyotrophie spinale (AS) de type 3. Par le passé, tenter d’être quelqu’un que je ne suis pas n’avait pas été très concluant; j’ai donc choisi de me présenter tel que je suis. Je me souviens que j’étais très nerveux lorsque j’ai envoyé le message expliquant mes besoins en matière d’accessibilité avant notre première rencontre en personne, et j’étais convaincu qu’elle ne serait plus intéressée. Ça n’a toutefois pas été le cas. Sydney a fait preuve de curiosité et souhaitait réellement savoir comment elle pourrait me mettre à l’aise lors de notre premier rendez-vous. Le rendez-vous s’est très bien passé; et nous avons eu une conversation très agréable tout en prenant un verre et en partageant un repas, ce qui a mené à beaucoup d’autres rendez-vous, jusqu’à ce nous déclarions être officiellement en couple.

Nous sommes ensemble depuis cinq ans et nous avons connu des hauts et des bas, comme tous les autres couples. Je dirais que c’est une relation assez « normale » à bien des égards. En tant que couple aux capacités différentes, nous avons toutefois dû faire certains ajustements à la dynamique de notre relation. Sydney est ma femme, mais elle est aussi ma principale aidante à temps plein − nous n’avons jamais eu recours à des prestataires de soins personnels. Elle m’aide à me lever le matin, s’assure que je suis habillé, douché et à l’aise pour la journée, elle me met au lit le soir; Sydney fait tout. C’est peut-être choquant pour certaines personnes, mais c’est comme ça qu’on procède depuis le début, et ça nous semble tout à fait naturel. De plus, en raison de la nature de mon handicap, je suis incapable de faire bon nombre des tâches physiques qui sont « traditionnellement » réservées aux hommes dans une relation hétérosexuelle. On parle de tondre la pelouse et de sortir les poubelles, entre autres, et d’autres tâches physiques dans la maison qui reviennent généralement à Sydney. J’aime me considérer comme le « gestionnaire » dans notre relation, je m’occupe des tâches qui concernent l’organisation de la vie familiale; c’est moi qui m’assure que les factures sont payées à temps, je prévois nos repas pour la semaine, je cuisine, je m’assure de prendre les rendez-vous, etc. À nous deux, je pense que tout va comme sur des roulettes!

Dès le départ, j’ai voulu être aussi franc que possible avec Sydney, et c’est encore mon attitude. Dans une relation comme la nôtre, je crois fermement que la communication est la clé. Cela nous garde en symbiose avec les émotions de l’autre et nous permet de faire la distinction entre la relation « d’aidante-aidé » et notre relation de couple. Il est extrêmement important d’être honnête quant à nos émotions et de traverser les obstacles ensemble. Nous croyons que dans toute relation de couple réussie, des soins sont prodigués d’une manière ou d’une autre; dans notre cas, ces soins concernent principalement l’aide physique dont j’ai besoin. Cela dit, il est extrêmement important de nous donner l’espace dont nous avons besoin pour avoir du temps pour nous et pour poursuivre nos propres intérêts et loisirs. C’est important pour éviter ce que certains appellent « l’épuisement de l’aidant ». Il est crucial que Sydney ait du temps pour aller s’entraîner, aller marcher ou passer du temps avec ses amis et sa famille sans moi – parce que, comme tout le monde, nous avons besoin de temps pour faire le vide. Notre relation est toujours en évolution, mais je crois que nous avons bien réussi à séparer notre vie romantique de notre relation d’aidant-aidé, ce qui peut parfois être difficile. Si nous avons une dispute ou un désaccord, Sydney doit tout de même m’aider, donc on a tendance à laisser les petites choses passer, parce que c’est beaucoup moins amusant, pour l’aidant comme pour l’aidé, lorsqu’on ne s’entend pas.

Balayer l’écran vers la droite cette journée-là a été la meilleure décision de toute ma vie. Elle nous a mené à la vie merveilleuse que nous vivons aujourd’hui, avec une belle famille que nous élevons. Nous n’arrêtons jamais d’apprendre l’un sur l’autre et de nous aimer, même si nous ne savons pas quels défis nous attendent; mais comme pour le reste, nous traverserons la rivière quand nous serons rendus au pont. Nous voulons élever notre fils en lui enseignant l’amour, l’inclusivité et la gentillesse avec les autres, et j’espère qu’il appliquera ces valeurs à son tour.